giovedì 29 novembre 2007

Le Grand Héron











Bormio, le 1 Juin 1953.
«La peau de l’ours a été vendue plusieurs fois entre hier soir et ce matin, à la bourse cycliste. le «tifo» sportif est une maladie cruelle, beaucoup de visages d’amis et sportifs, présentaient, soudainement les signes d’une vieillesse précoce. Mines allongées, on ne le comptaient plus, «cela semble le 8 Septembre» (le jour de l’armistice de l’Italie dans la deuxième Guerre Mondiale) dit quelqu’un. Cependant, dans les cafés et dans les restaurants, on commençait la vente de la peau de l’ours. Spectacle triste, quand on pense que l’ours, cependant, est ancore bien vivant, à méditer sur ses ennuis, sur ses fatigues, passées et sur celles qui l'attendent encore. Hier soir, Fausto Coppi n’était pas bien sur content. La journée, meme si colorée par la victoire, avait eue beaucoup d’amertume. L’invincible, avait trouvé qui, selon le jugement de plusieurs, l’avait égalé: et peut-etre Fausto, maintenant, doutait de lui-meme et de ses forces.
Peut-etre, pour la première fois il pensait: «j’ai 34 ans...». Il semble que hier soir encouragé par les amis qui lui disaient: «demain tu attaquera sur le Stelvio!», Fausto ait dit: «Demain c’est trop tard».
Qui a la chance de ne pas etre un vicieux du «tifo» sportif, s’est préparé aujourd’hui assister, à l’épreuve que de lui même aurait due donner le Campionissimo.
C’était une épreuve dure; la plus dure, pour les difficultés de l’étape, d'aussi loin que peut se souvenir un ancien témoin de courses à vélo, la plus dure peut-être pour la vie, pour la réputation, pour l’ambition et pour la carrière meme d’un champion auquel il semble difficile de demander encore les privilèges d’une jeunesse inoubliable, mais qui petit à petit, meme pour lui s’éloigne. Qui donne son coeur aux hommes qui souffrent avant qu’aux hommes qui exultent, ne pouvait pas ignorer le drame secret, le caché détriment de Coppi, un athlète plus prêt à l’angoisse et à la perplexité qu’à l’exaltation et à l’aveugle morgue.
La fatigue à laquelle les athlètes étaient appelés – nous la vimes en montant le gelé calvaire du Stelvio – on annonçait massacrant: adjectif massif, mais c’est l’unique pour définir l’éffort horrible et peut-etre meme inhumain appelé aux coureurs. Fatigue inhumaine en montée et risque terrifiant en déscente: avant une compétition entre chamois et bouquetins; ensuite, en déscente, une confrontation entre parachutistes pour déscendre du toit neigeux du Stelvio jusqu’aux prés du fond de vallée de Bormio.
Il y avait en compétition des jeunes qui, dans le manège enfernal imposé à leur muscles, avaient tout à gagner. Les jeunes de 27 et 28 ans comme Koblet et Fornara, peuvent se permettre le luxe meme de ne pas gagner. A un campionissimo de 34 ans il n’est permis que de gagner: une journée de crise, une heure de malaise, cinq minutes de fatigue lui sont défendus, l’idole ne peut pas retourner etre homme.
Voilà, donc Coppi, en lutte dans une des heures les plus lourdes de sa vie: l’heure où beaucoup de monde était en train de lorgner les premiers signes de fatigue, la première fêlure a l’émail de sa classe. Et, dans cette heure, le voilà, le prodigieux athlète, retourner un petit homme, un fragile homme qui lutte, tout seul, contre le magique redoutable géant de la nature et qui devra aller là-haut tout seul où les glaciers craquent; là-haut sur la très haute montagne dans lequel le ciel, insouciantes de nos petits désagréments, jouent leurs légères dances dans les nuages alpins.
Voilà le petit homme, dont sa faible couronne de gloire – on l’appelle, vous le savez, «sa Majesté Fausto» - peut devenir une triste couronne d’épines: voilà le mélancolique et angoissé petit roi de la grande fable sportive, appelé à la grande, superbe, mais peut-etre encore douloureuse épreuve de son destin.
Les esprits de cent victoires le poussent, dira une facile réthorique: une seule minute de faiblesse, ça suffirait à le trahir: une petite pierre pointue peut l’obliger à mettre pied à terre pour frustrer son effort: un odieux trompeur virage peut le faire tomber: un moment de soif peut le tenailler et peut le dompter.
Je ne vous raconterai pas mètre par mètre, ni kilomètre par kilomètre l’histoire de l’étape. C’est l’histoire d’une seule fatigue victorieuse: la traduire en chiffres ça vaut pour la documenter, mais pour l’appauvrir aussi. Les chronomètres parlent, les bornes se défilent, les virages qui mordent la montagne avec leurs mâchoires se suivent, et enfin la parole est à la neige, la parole est à la tranchée dedans laquelle on court entre les deux gelés murs du glacier. Pourquoi aligner chiffres, là où l’effort d’un coeur et la volonté d’une âme se mesurent avec les secrets numéros qui, même dans le monde le plus élémentaire, sont peut-être les numéros de la poésie? Pourquoi faire de la comptabilité d’un muscle gagnant quand, en réalité, c’est une âme qui gagne?
Montons nous aussi, vaincus par l’anxiété, insouciance de la gelée. Celle que, de lacet en lacet, dans le théâtre des solitudes alpines, nous voyons se dérouler, n’est pas une entreprise sportive: c’est l’histoire d’un homme; et c'est pour ça que cela nous intéresse.
Nous n’aimons pas les idoles: mais nous sommes proches du courageux à souffrir, à l’audacieux courage des hommes qui luttent. Fausto est un homme qui lutte dans l’heure la plus redoutable de sa vie. Hier il a dit: «C’est trop tard», dans un moment de méfiance.
Maintenant, il est là, dans la solitude désespérée de son effort, qui reprend son destin par la gorge. Les forces cruelles de la faiblesse, des années, des immanquables déceptions ne doivent pas gagner. Et comme ça ses merveilleux vingt ans ne sont pas encore échappés. Il est encore le plus fort de tous. C’était injuste de vendre dans les places et les cafés la peau de l’ours.


Trait du livre: Caro Coppi de Orio Vergani.

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